Jocari | Détails

Jocari (latin iocari s’amuser, iocus jeu)

Site francophone de référence sur les jeux et jouets
des époques antique, médiévale et renaissante,
issu de la recherche scientifique

egypte_c procheorient_c grece_c rome_c moyenage_c vikings_c renaissance_c
 

Ch.-M. de Talleyrand-P?rigord, Des loteries (1793)

Texte

p. 13 "[…] Veut-on rendre plus sensible encore l'injustie odieuse de la Loterie Royale de France ? qu'on la compare avec les jeux de hasard, même les plus décriés, tels que les jeux de Belle et de Biribi, ces jeux si publiquement avilis, qu'on ose à peine en rappeler ici les noms.

Le jeu de la Belle étoit, dans son principe, composé de 106 numéros, dont un seul gagnoit et valoit au joueur 96 fois sa mise. Le bénéfice des Banquiers étoit donc de 10 sur 106, ou, ce qui revient au même, de 9 2/5 3/3 sur 100. Ce bénéfice, si modéré en comparaison de celui de la Loterie, parut tellement scandaleux, même aux Banquiers, que de leur propre mouvement, ils le réduisirent à 8 sur 104, ou 7 9/13 sur 100. Cependant, même après cette réduction, ce jeu continuoit à ruiner les joueurs. (p.14) Pour arrêter ses ravages, la Police se vit obligée de le proscrire, et tous les jeux de la Belle furent supprimés.

Il est aisé de voir jusqu'à quel point la Loterie royale est intrinsèquement plus vicieuse que ce jeu. La combinaison de la Loterie, la moins défavorable au public, assure pourtant à l'administration un bénéfice de 16 2/3 sur 100, comme nous l'avons déjà remarqué, c'est-à-dire, plus que le double de celui de la Belle ; et en réunissant toutes les combinaisons de la Loterie, nous avons vu qu'il en résulteroit pour elle, dans le cas où elles seroient toutes prises une fois également dans le même tirage, 96 et plus de 3/4 sur 100. Ainsi, s'il étoit possible à un joueur de répartir uniformément 100 liv. sur toutes ces combinaisons, il ne recevroit après le tirage que 3 liv. et un peu moins de 5 sols, même en gagnant le quine et tous les autres lots, tandis qu'il recevroit de la Belle 92 liv. et plus de 8 sols. Le rapport de ces deux (p. 15) sommes exprime dans cette supposition la défaveur respective des deux jeux ; et puisqu'elles sont entre elles comme 1 à 28 et plus d'un tiers, il suit que si l'injustice totale du jeu de la Belle peut être exprimée par 1, on est autorisé à exprimer par plus de 28 celle de la Loterie royale.

Par un procédé semblable, on établiroit que le jeu de Biribi, dont le profit est de 6 sur 70, ou de 8 4/7 sur 100, est 27 fois moins injuste que la Loterie considérée dans l'ensemble uniforme de toutes ses combinaisons ; et cependant l'un et l'autre de ces jeux ont été déclarés infâmes.

Croiroit-on maintenant que par de nouveaux traits, on pût flétrir la Loterie royale ! Il faut pourant ajouter que cette Loterie est combinée avec une telle adresse, que, malgré sa révoltante injustice, elle est venue presque à bout d'enchanter les esprits ; que le peu de numéros qu'elle emploie en cpmpa- (p. 16) raison des autres loteries, est une première annonce grossière, à laquelle le grand nombre des joueurs s'est laissé prendre […]"

Extrait de
Des loteries, par M. l'évêque d'Autun, Paris, 1793, p. 13 et suiv.

Date
1793

Lieu de publication
France (édité chez Barrois l'aîné)

Auteur
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgiord (M. l'évêque d'Autun) (1754-1838)

Consultation en ligne
GallicaBnF

Rechercher
Dans les jeux et jouets

Dans les sources

Dans la bibliographie

Index général
A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z