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Jocari (latin iocari s’amuser, iocus jeu)

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Jacques Lacombe, Encyclopédie méthodique. Dictionnaire des jeux mathématiques (1798)

Texte

"SELLETTE. (jeu de)

(p. 152) […]

L'abbé DES AGNEAUX.

Mesdames, si vous voulez, nous allons jouer à la sellette.

Madame DE LA HAUTE-FUTAIE.

Volontiers.

L'abbé DES AGNEAUX.

Mais il faut un petit tabouret pour asseoir le coupable dans le milieu de l'appartement.

L'abbé PRINTEMS.

En voilà un.

L'abbé DES AGNEAUX.

Eh bien ! commence par t'en servir. Je vais faire le tour, & je demanderai à chacun de quoi on t'accuse; chacun me dira bas à l'oreille de quoi on te croit coupable.

Mademoiselle ROSE.

Mais l'abbé, vous n'y pensez pas ; vous n'avez point un air pénétré de vos fautes ; on ne vous prendroit jamais pour un criminel qui est sur la sellette.

Le Chevalier ZÉPHIR.

Vous allez l'intimider, Mademoiselle ; j'ai peur qu'il ne pleure, il attendriroit ses juges.

L'Abbé PRINTEMS.

Qu'il est glorieux pour moi d'être aux pieds d'un pareil tribunal ! Le plaisir de voir mes juges efface en moi le chagrin d'avoir commis toutes les fautes qu'on pourroit m'imputer. Je ne suis point couvert de chaînes ; mais je n'ai point envie d'échapper à mes juges ; s'ils me chassoient de leur présence, pourroient-ils (p. 153) m'infliger un châtiment plus sensible à mon cœur !

L'abbé DES AGNEAUX.

M. l'abbé plaisante, je crois.

Mademoiselle ROSE.

Mon Dieu ! quelle voix-formidable ! Ah ! l'abbé, j'ai peur pour vous. Voyez comme il fait semblant de trembler. Oh ! le malin criminel.

L'abbé DES AGNEAUX.

Vous voyez vos juges & vos accusateurs.

L'abbé PRINTEMS.

Et peut-être mes complices.

L'abbé DES AGNEAUX.

On ne peut pas l'empêcher de railler ; qu'en pense la cour ?

Mademoiselle ROSE.

La cour lui fait grace.

L'abbé DES AGNEAUX.

Vous êtes sur la sellette, parce qu'on vous accuse de chanter faux. Qu'est-ce qui vous a accusé de ce que je vous reproche-là ?

L'abbé PRINTEMS.

Vous savez que je chante faux
 Sans mesure ni cadence ;
 Mais si vous blâmez mes défauts,
 Louez ma complaisance.

C'est Madame de la Rivière qui me fait un reproche si sensible ; parce que Madame chante à ravir, elle croit que tout le monde doit lui ressembler.

L'abbé DES AGNEAUX.

Non : c'est Madame de la Haute-Futaie. La cour exige que vous payiez un gage. On vous accuse d'être paresseux. Jeux familiers.

L'abbé PRINTEMS.

C'est peut-être vous, mon maître, parce que je n'ai pas voulu rester aujourd'hui avec vous, pour faire des lampions, & que j'ai mieux aimé aller me promener avec ces demoiselles.

L'ABBÉ DES AGNEAUX.

No : un gage ; c'est M. du Frêne. On vous accuse de n'avoir point un air pénétré de vos fautes, & c'est une preuve que vous n'avez pas envie de vous corriger.

L'abbé PRINTEMS.

Oh ! ceci n'est point difficile à deviner ; c'est Mademoiselle Rose.

L'abbé DES AGNEAUX.

Justement. Allons, Mademoiselle Rose, mettez-vous sur la sellette ; je vais faire le tour, & recevoir les accusations contre vous.

L'abbé PRINTEMS.

Me voilà devenu juge à mon tour. Mademoiselle, vous riez bien fort ; profitez des leçons que vous me donniez il y a un instant.

Le Chevalier ZÉPHIR.

Oh ! nous vous tenons. On va dire de belles sur votre compte.

L'abbé DES AGNEAUX.

Mademoiselle, on vous accuse d'être gourmande.

Mademoiselle ROSE.

Ah ! par exemple, voilà une vraie calomnie ! Je suis la sobriété même, je fais mon Vadé par cœur, & je n'ai pas oublié que fille qui est sur sa bouche manque à son devoir. Or, je n'ai point envie de manquer à mon devoir. C'est le chevalier qui a fait cette calomnie, parce que je lui ai volé ce soir une grosse pêche qu'il vouloit manger tout seul comme un vilain gourmand.

L'abbé DES AGNEAUX.

Non ; ce n'est pas lui.

(p. 154).

Mademoiselle ROSE.

Qui donc ?

L'abbé DES AGNEAUX.

On n'est pas obligé de nommer toujours qui ; car, alors, il faudroit bien deviner la dernière personne : il suffit de vous assurer que ce n'est pas le chevalier qui vous accuse d'être gourmande.

Le Chevalier ZÉPHIR.

Donnez un gage, ma belle demoiselle : on vous apprendra à me soupçonner de faire des calomnies.

L'abbé DES AGNEAUX.

On vous accuse de n'aimer personne. C'est un grand crime que l'indifférence.

Mademoiselle ROSE.

Oh ! pour celui-là, c'est le chevalier.

L'abbé DES AGNEAUX.

Pourquoi serait-ce le chevalier ?

Le Chevalier ZÉPHIR.

C'est vrai ; c'est moi. Vous voyez bien que je ne fais que des médisances, & non des calomnies. Je vais me mettre sur la sellette. […]

(Extrait des Soirées amusantes.)"

Extrait de
Encyclopédie méthodique. Dictionnaire des jeux mathématiques , contenant l'analyse, les recherches, les calculs, les probabilités & les tables numériques, publiés par plusieurs célèbres mathématiciens, relativement aux jeux de hasard & de combinaisons ; et suite du Dictionnaire des jeux, Paris, 1798-1799, p. 151-154 (2e partie).

Date
1798-1799

Provenance
Paris

Auteurs
Jacques Lacombe (1724-1811)
H. Agasse, imprimeur

Dimensions
in-4

Conservation
Paris, Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art
Inventaire n° Z-8571

Consultation en ligne
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