Bagatelles po?tiques, fable XIV (1801)

Texte

LE CER-VOLANT
Un beau matin, certain enfant,
Se livrant aux jeux de son âge,
Dirigeoit, dans les airs, un léger Cerf-volant
Qui, comme c'est assez l'usage;
(Car l’élévation nous aveugle souvent,)
Enflé d’orgueil encor plus que de vent,
Se croyait un grand personnage,
Et s'imagina follement
Pouvoir, dans les plaines du vide, -
Se soutenir facilement
Sans liens et sans guide.
» A quoi bon, disoit-il,
»Être comme un esclave
» Retenu par ce fil
» Qui m'oppose une entrave,
» Que resserre, à son gré, le marmot le plus vil ?
» Si, comme les oiseaux, dans un juste équilibre,
» je franchis l’air d’un vol majestueux,
» En brisant un joug odieux,
» Comme eux aussi, pourquoi ne pas devenir libre? »
A l’instant même il s’abaissa,
Et par, une secousse forte,
En se relevant fit en sorte
Que son fil se cassa.

Que fut le fruit d'une telle imprudence?
Jouet des aquilons, ce pauvre Cerf-volant
Haussant,
Baissant
Caracollant,
Se débat quelque temps contre leur violence :
Sa folle résistance augmente encor ses maux ;
Il sort tout déchiré de cette vaine lutté,
Et bientôt, n’offrant plus que de tristes lambeaux,
Fait la plus honteuse culbute.

Son exemple devroit vous servir de leçon,
Jeunes gens qui voyez souvent comme une chaîne,
Le fil heureux dont se sert la raison,
Pour diriger vos pas quand l'erreur vous entraîne. .

Extrait de
Bagatelles poétiques, ou recueil de fables nouvelles, chansons et poésies diverses, fable XIV, page 23.

Date
1801

Lieu de publication
Paris, chez Ouvrier, Libraire

Auteur
Pierre Duputel

Support
Livre imprimé

Dimensions
in-8°

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