Jocari | Détails

Jocari (latin iocari s’amuser, iocus jeu)

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Dictionnaire des jeux (1792)

© BnF

Texte
"BÊTE-OMBRÉE. (la)

C'est un jeu de cartes, auquel on joue entre deux, trois, quatre ou cinq personnes.
On se sert d'un jeu de piquet, ou de trente-deux cartes, dont la plus haute est le roi, & la plus basse le sept.
On se sert aussi communément de jetons pour former l'enjeu, à moins qu'on ne joue aux écus. Dans ce cas-ci, les écus s'emploient au lieu de jetons.
L'enjeu de chaque joueur est d'un jeton ; mais celui qui distribue les cartes met un jeton de plus.
Lorsque le sort a fixé la place de chaque joueur, & indiqué celui qui doit distribuer les cartes, ce dernier les mêle, les présente à couper, & donne ensuite, en commençant par la droite, cinq cartes à chaque joueur.
Il distribue ces cinq cartes en deux parties : il en donne d'abord trois à chaque joueur, & ensuite deux ; ou deux, & ensuite trois.
Les cartes étant ainsi distribuées, celui qui les a reçues le premier a la parole : il doit annoncer de trois choses l'une ; savoir, qu'il passe, ou qu'il demande, ou qu’il joue sans prendre.
Lorsqu'il déclare qu'il passe, la parole appartient au joueur qui est à sa droite, & successivement aux autres dans le même ordre. Si tous ont jugé à propos de passer, on remêle les cartes, & celui qui a eu la parole le premier les distribue, après avoir, ajouté un jeton à son enjeu.
Quand celui qui est le premier à jouer déclare qu'il demande, & que les autres joueurs passent sans le renvier, il annonce la couleur dont il veut faire la triomphe : ensuite il fait un écart composé des cartes qu'il croit lui être inutiles, & il en reprend au talon autant qu'il en a écartées. Il faut qu'avec ce nouveau jeu, il fasse seul trois levées pour gagner le coup.
Nous allons rendre sensible ce procédé par un exemple : supposons que le joueur qui a la parole, ait dans la main le roi & la dame de carreau, & avec cela trois basses cartes des autres couleurs, il est évident qu'en créant le carreau triomphe ou a-tout, il est sûr de faire deux levées avec son roi & sa dame ; mais comme deux levées sont insuffisantes pour gagner, il demande, dans l'espoir d’échanger les mauvaises cartes contre de meilleures, que le sort lui fournira, en en prenant de nouvelles au talon.
S'il vient à être trompé dans son espoir, & que les nouvelles, cartes qu'il a prises, ne puissent pas lui faire faire la troisième levée dont il a besoin pour gagner, il perd le coup, & fait une bête égale à la somme de tout ce qu'il auroit tiré.
Le joueur qui a demandé, peut être renvié par quelqu'un de ceux qui ont la parole après lui. Ce renvi se fait, en disant qu'on joue sans prendre. En ce cas, le joueur qui a demandé, a la liberté de jouer lui-même sans prendre : mais s'il ne le fait pas, son adversaire annonce qu'il joue en une telle couleur, & cette couleur forme l'a-tout ou la triomphe. Il faut que, pour gagner, celui qui joue sans prendre, fasse trois levées avec son propre jeu, sans aller au talon. S'il manque à faire ces trois levées, il fait une bête égale à ce qu'il auroit tiré en gagnant, & paye en outre à chaque joueur un jeton, comme il l'auroit reçu de chacun d'eux s'il eut gagné.
On peut pareillement renvier le joueur qui joue sans prendre, en annonçant qu'on entreprend la vole. Si celui qui a joué sans prendre, a de son côté un jeu de vole, il peut empêcher l'effet du renvi en déclarant que lui-même entreprend la vole.
Le joueur qui a entrepris la vole & qui vient à gagner, tire, non-seulement tout ce qu'on a mis au jeu, mais encore toutes les bêtes qu’on a pu faire, & qui ne devoient régulièrement être jouées qu'aux coups subséquents. Chaque joueur est d’ailleurs obligé de lui payer deux jetons.
Quand au contraire celui qui a entrepris la vole manque son objet, il fait une bête, dont la somme est égale au double de ce que la vole lui auroit produit s’il l'eut faite. Il est en outre tenu de payer deux jetons à chaque joueur.
Quand il s'est fait plusieurs bêtes sur celle qui est au jeu, on les joue l'une après l'autre, en commençant par la plus forte : tant que ces bêtes durent, il n'y a que le distributeur des cartes, qui mette un jeton au jeu ; les autres joueurs sont dispensés d'y en mettre.
Celui qui réunit dans son jeu le roi, la dame & le valet d'a-tout, a ce qu'on appelle trois matadors ; s'il a en outre l’as & le dix de la même couleur, cela fait cinq matadors. Les autres joueurs lui doivent payer chacun un jeton par matador.
Il y a néanmoins un cas où le joueur qui a trois ou quatre matadors, est obligé de les payer lui-même à ses adversaires. Ceci a lieu, quand il a déclaré entreprendre la vole, & qu'il ne l'a point faite.
Le joueur qui a fait.une levée, doit jouer le premier pour la levée suivante, & les autres continuent, en commençant par la droite de celui qui a joué le premier.
Le joueur qui renonce, fait la bête.
II en est de même de celui qui sous-force ; ceci a lieu, quand un joueur ayant deux cartes de la couleur jouée, dont une supérieure à la carte qu'on a jouée & l'autre, inférieure, il ne fournit que l’inférieure.
Celui qui donne mal, doit refaire, après avoir ajouté un jeton à son enjeu.
Lorsqu'on n'a aucune carte de la couleur jouée, on est obligé de couper si l'on a de l'a-tout : sinon, on est puni, comme pour avoir renoncé.
Quand le jeu est faux parce qu'il manque quelque carte ou qu'il y en a plus qu'il ne doit y en avoir, 1e coup où l'on découvre ce vice est nul ; mais, on ne revient pas contre les coups joués antérieurement.
Le joueur qui a gagné sans prendre, ou qui fait la vole, ou qui a eu les matadors, doit, avant qu'on ait coupé pour le coup suivant, demander les jetons que ces chances produisent, sous peine d'en être privé.
Quand un joueur, autre que celui qui fait jouer vient à faire trois levées, il gagne codille, & il tire, ce que celui qui a joué auroit tiré s'il eut gagné.

VOCABULAIRE explicatif des termes usités à la Bête-ombrée.
A-tout. C'est la couleur dont on a fait la triomphe.
Avoir la parole. C’est être en tour de dire ce qu'on veut faire sur le coup qui se joue.
Bête. C'est une sorte d'amende à laquelle les joueurs sont assujettis en différens cas, comme quand ils renoncent ou qu'ils ne font pas les levées nécessaire pour gagner, &c.
Codille. Il se dit du gain que fait un joueur, quand sans avoir fait jouer, il vient à faire trois levées.
Couper. C'est séparer en deux un jeu de cartes, avant de distribuer à chaque joueur les cartes qu'il lui faut.
Couper. Se dit aussi de l'action d'employer une triomphe sur la couleur jouée.
Demander. C'est annoncer qu'on a dessein de jouer en écartant, si personne ne joue sans prendre.
Donner. C'est distribuer les cartes aux joueurs, après les avoir mêlées, & qu'on a fait couper.
Ecart. Ce sont les cartes qu'on a mises à part, pour en prendre d'autres au talon.
Ecarter. C'est former un écart.
Jeton. C'est une pièce qui sert de monnoie au jeu.
Jeu faux. C'est un jeu où il y a trop ou pas assez de cartes.
Jouer sans prendre. C'est annoncer qu'on s'engage à faire les levées nécessaires pour gagner, sans faire aucun écart.
Levée. C'est une main qu'on a faite, en jouant.
Matadors. On désigne sous ce nom la réunion des trois premières triomphes, qui sont le roi, 1a dame & le valet dans la main d'un joueur. Et, par extension, on appelle encore matadors, les triomphes qui suivent immédiatement les trois premières, & qui les accompagnent.
Mêler. C'est battre les cartes avant de les distribuer.
Passer. C'est ne point ouvrir le jeu ou renoncer à jouer sur le coup.
Refaire. C'est recommencer la distribution des cartes.
Renoncer. C'est ne pas-fournir de la couleur jouée, quoiqu’on en ait dans son jeu.
Renvier. C'est obliger celui qui a demandé à jouer sans prendre, ou celui qui veut jouer sans prendre, à entreprendre la vole, à moins qu'il ne juge à propos de renoncer à son jeu, pour laisser jouer l’adversaire qui a renvié.
Sans prendre. II se dit tout-à-la-fois de l'action de jouer sans écarter, & du paiement qui a lieu, quand on gagne ou qu'on perd en jouant de cette manière.
Sous-forcer. C'est mettre une carte inférieure sur celle qui est jouée, au lieu d'y mettre la supérieure qu'on a en main.
Surcouper. C'est mettre une triomphe plus forte sur celle avec quoi un joueur précédent a coupé la carte jouée.
Talon. C'est ce qui reste de cartes, quand on a distribué à chaque joueur, celles qu'il lui faut.
Triomphe. C'est la couleur qui emporte toutes les autres cartes.
Vole. C'est l'action de faire toutes les levées."

Extrait de
Dictionnaire des jeux, faisant suite au Tome III des Mathématiques. Encyclopédie méthodique, Paris, 1792, p. 12-14.

Date
1792

Lieux de publication
Paris, chez Panckoucke, libraire, hôtel de Thou, rue des Poitevins
Liège, chez Plomteux, imprimeur des États

Auteurs
Charles Bossut (1730-1814)
Charles (17..-1791)
D'Alembert (1717-1783)
Marquis de Jean-Antoine-Nicolas de Caritat Condorcet (1743-1794)
Jérôme de La Lande (1732-1807)

Support
Livre imprimé

Dimensions
in 4°

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